Les enjeux

Révolution dans le vignoble

Vers la fin des pesticides

Trouver des variétés naturellement insensibles aux maladies a toujours été une quête intense, pour les agriculteurs comme pour les chercheurs.

Actuellement la culture de la vigne utilise beaucoup de pesticides, avec des dégâts sur la santé des agriculteurs, des citoyens, et de l’écosystème. Depuis le Grenelle de l’environnement, le processus de réduction est engagé, soutenu par la COP 21, le plan écophyto, et les annonces du gouvernement.

La cave coopérative Héraclès n’est pas directement concernée par ces mesures, car la totalité de ses viticulteurs sont déjà en culture bio. Les seuls traitements autorisé au cahier des charges bio sont le cuivre et le soufre, à doses très réglementées. Ils servent à luter principalement contre un pseudo-champignon, le mildiou qui peut faire des ravages, jusqu’à attaquer totalement toute une vigne et empêcher la récolte. L’oïdium également, dans une moindre mesure. Les zones tachées vont se nécroser, les feuilles se dessécher, et les fruits s’altérer jusqu’à pourrir. La bouillie bordelaise (mixture bleutée, mélange de sulfate de cuivre et chaux) est le seul moyen d’endiguer ces maladies, mais laisse néanmoins des résidus, et impose des passages réguliers avec les tracteurs et les pulvérisateurs. Ce qui pénalise le bilan carbone.

La création variétale

De tous les temps, les vignerons ont tenté de repérer dans leurs vignes des pieds qui ne se faisaient pas attaquer, qui résistaient au mildiou, pour les sélectionner en priorité lors de leurs bouturages. C’est la sélection clonale. Puis ils ont tenté de les faire se reproduire par pollinisation. C’est la reproduction sexuée, à partir du pollen du père croisé avec le pistil de la mère, pour obtenir des pépins à semer. Mais les caractères se recombinent au hasard, lors de la multiplication sexuée, pour ne donner que 1% de descendants intéressants. Alors au siècle dernier les méthodes scientifiques se sont emparées de cette question, pour lancer des croisements des espèces naturellement intéressantes, avec la vigne à vin Vitis vinifera.

Pour éliminer les caractères défavorables des espèces et ne conserver que leur résistance, on recroise les descendants résistants avec la vigne à vin sur plusieurs générations. C’est ce qui avait manqué aux vieux hybrides de nos campagnes.

La famille des Bouquets

Tout particulièrement à l’INRAE de Montpellier, un chercheur a consacré sa carrière à effectuer des croisements par hybridation, en privilégiant systématiquement le caractère de résistance au mildiou, avec en parallèle une attention aux qualités gustatives des raisins pour le vin. A partir de la variété Vitis Vinifera croisée avec une vigne sauvage américaine, ce chercheur Alain Bouquet, a créé toute une famille de descendants qui portent son nom : les Bouquets. Il s’est appuyé sur les avancées de la génétique pour confirmer ses observations, et accélérer ses sélections grâce à l’analyse du patrimoine génétique des variétés qu’il avait impulsées, en favorisant à chaque étape les porteurs du gène de résistance identifié. Si tous les spécialistes du raisin suivaient de près ses recherches, beaucoup restaient prudents sur la durabilité d’un seul gène de résistantes dans le génome de la plante. M. Bouquet a alors de son vivant disséminé sa production pour lui donner une chance de survie, ce qui permet aujourd’hui d’avoir des descendants en cépages rouges, identifiés par les numéros des parents : 3160, 3176, 3179, …

La famille des ResDurs

Un autre courant porté par un autre centre INRAE a considéré qu’il fallait développer des variétés de vigne qui auraient non pas un seul, mais deux gènes de résistance oïdium/mildiou. Car ce pseudo-champignon est très facilement mutant, il s’adapte pour tenter de contourner les barrages du gène résistant. C’est pourquoi d’autres chercheurs ont repris des descendants de la famille Bouquet, et les ont recroisés avec d’autres variétés sélectionnées pour avoir un 2e gène de résistance présent dans le génome d’une nouvelle famille de cépages résistants : les ResDur (pour : Résistance Durable). Le clan Resdur rassemble une dizaine de nouvelles variétés dont : Floreal en blanc, Artaban en rouge.

Le marché des cépages

L’INRAE prévoir de créer d’ici 2025 un 30aine de nouvelles variétés, et une 15aine sont déjà inscrites au catalogue officiel. D’autres pays sont très actifs : Allemagne, Suisse, Italie, puis arrivent l’Espagne, la Hongrie… C’est la mobilisation générale, et les plus avancés vont prendre rapidement de grosses parts de marché car les viticulteurs sont très demandeurs.

Pas des OGM

Une précision, pour lever un risque de confusion : il ne s’agit absolument pas de vignes OGM. Aucune de ces 2 familles de cépages résistants, n’a été créée par manipulation génétique, ou transfert de gène. L’analyse des génomes a aidé au repérage des individus intéressants, et les croisements pour obtenir des hybrides se sont fait par la méthode ancestrale de la fleur pollinisée.

Résistance dans les vignes

L’intérêt est chez tous les viticulteurs, tout le monde en plante un petit peu pour voir, ou bien certains se précipitent massivement, d’autres attendent prudemment. Il se confirme sur le terrain qu’un seul traitement au cuivre suffit à stimuler la résistance, au lieu de 6 à 8 une année normale, voire plus d’une dizaine en conventionnel une année au printemps pluvieux. Alors le renouvellement du vignoble est en jeu, l’identité des terroirs, l’adaptation des Appellations aussi. C’est le branle-bas de combat.

La demande est énorme ! Des millions de pieds de différentes variétés sont en train d’être produits, les greffons certifiés et standards doivent prendre la relève le plus vite possible car la pression de l’attente s’accroit, et la compétition entre pays producteurs aussi. Les porte-greffes restent les mêmes.